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« Et si nous acceptions l’idée de l’adoption comme un processus universel? »
C’est la promo récente autour du film « L’attachement » de Carine Tardieu qui m’a fait repenser à cette phrase attribuée à Françoise Dolto : « Nous sommes tous des enfants adoptés ». En effet dans ce film qui traite, entre autre sujet, de l’arrivée d’un enfant, les personnages d’Alex mais aussi celui de Sandra, vont être percutés par le réel et faire -chacun à leur manière- l’expérience de l’adoption. Non pas l’adoption telle qu’on l’imagine avec son lot de démarches en tout genre mais celle porteuse d’une notion plus universelle. Car l’adoption est une notion bien plus vaste que celle de faire sien un enfant que ses parents de naissance auraient confié à un groupe humain et social.
Souvent galvaudées, parfois incomprises, les « punchlines » que nous a laissées Françoise Dolto marquent ses discours et ses réflexions sur la place de l’enfant dans la société qui l’accueille. À mon sens, l’affirmation selon laquelle « nous serions tous des enfants adoptés » est une métaphore puissante. L’intérêt de cette maxime intrigante, vient surtout du fait qu’elle pousse à réfléchir et invite à dépasser la notion de famille fondée uniquement sur le lien du sang en soulignant l’importance des liens affectifs et psychologiques qui sont à l’oeuvre dans la naissance de toute famille avec l’arrivée d’un enfant.
L’adoption en tant que métaphore introduit l’idée que l’amour parental devient un acte d’adoption symbolique. Les parents accueillent un enfant dans leur vie et le reconnaissent comme leur propre enfant, qu’il soit né de leur union ou adopté. Biologique ou non, tout enfant qui arrive dans une famille va venir chambouler l’organisation de la famille. De même, le pédopsychiatre Bernard Golse souligne combien l’arrivée d’un enfant de quelque manière que ce soit va remanier le fonctionnement de la famille et de l’ensemble de ses membres. Dans un article de la revue d’ethnopsychanalyse « L’autre », il précise : « Tout enfant, même biologique, se présente donc d’abord comme un étranger, un étranger à demeure qu’il va falloir adopter tout au long de sa vie – et qui doit aussi nous adopter, afin qu’un sentiment d’appartenance mutuel et réciproque s’établisse et s’instaure durablement. » Ainsi, à l’instant de son arrivée, tout enfant va « percuter le réel » offrant aux parents la possibilité de l’accueillir tel qu’il est, et non comme il l’avait rêvé.
De l’enfant imaginaire à l’enfant réel : une transition essentielle
Bien avant son arrivée, tout enfant est d’abord rêvé puis imaginé, porté par les attentes, les espoirs et les fantasmes des futurs parents. Adopté ou non, le processus de rêverie est ou a été activé dans tout désir d’enfant. Les grossesses naturelle ou adoptive sont des périodes riches en émotions où l’enfant imaginaire a sa place. Les futurs parents se projettent dans leur rôle, rêvent de l’avenir et se préparent à accueillir leur enfant. Petit à petit la grossesse réelle ou adoptive fait exister à l’esprit des futurs parents l’enfant à venir et lui permet de prendre sa place, jusqu’à son arrivée effective.
La naissance ou la rencontre avec l’enfant réel est un moment charnière. Cette rencontre avec le nouveau-né, le bébé ou l’enfant devient l’acte de passage d’un statut à un autre. Cette rencontre entre l’idéal, l’imaginaire et le réel devient alors source de grandes émotions mais également de questionnements. Et ce chamboulement psychique se rejouera à mesure que l’enfant grandira. Chaque étape de son développement remettant en jeu les espoirs, les attentes et les rêves que les parents auront mis en lui. Emmenant les parents dans ce jeu sans cesse renouvelé de l’adaptabilité. On s’adopte et on s’adapte !
Ainsi, relayée par tant d’autres praticiens, l’affirmation de Dolto est une invitation à repenser les notions de famille, de parenté et d’identité. Elle nous rappelle que les liens affectifs sont au cœur de notre développement et que l’adoption, loin d’être une exception, est une expérience humaine universelle.